Le manager médiateur? Pourquoi ce n’est pas une bonne idée.
Une étude Opinion Way de Septembre 2021 a fait ressortir que chaque salarié passe environ 3 heures par semaine, ou 20 jours par an, à gérer des conflits. Et si la gestion des conflits en entreprise est un aspect crucial de la dynamique organisationnelle, je voudrais revenir aujourd’hui sur le rôle que peuvent jouer les managers dans ce processus.
Pour être tout à fait honnête, l’idée de ce billet m’est venue à la lecture de l’excellent article paru sur le site d’Alan “Gestion des conflits en entreprise : comment reconnaître, gérer et résoudre les conflits?”. Pourquoi? Car le paragraphe qui présente les solutions pour résoudre les conflits mentionne La Médiation comme option, je suis on ne peut plus d’accord sur ce point, mais avec une nuance capitale: selon moi la médiation ne peut pas, et ne doit pas être menée par le manager !
Le passage en question sur Alan:
“La médiation est la forme qui s’apparente le plus à une négociation. Il convient alors de se retrouver dans un endroit neutre pour les deux parties, au cours d’une discussion arbitrée par le manager.”
Alors, pourquoi le manager n’est pas la bonne personne pour être le médiateur? Avant d’aller plus loin, rappelons qu’il existe trois stades du conflit: la tension, la crise et enfin l’enlisement. A condition d’y être formé, des méthodes et outils existent pour traiter le conflit par le manager jusqu’au stade 2, mais au-delà voilà pourquoi il est nécessaire de faire appel à une aide externe.
Pour commencer, il est important de reconnaître que les managers ne peuvent pas adopter la position de neutralité imposée au Médiateur dans la résolution des conflits, et ce pour plusieurs raisons (voir ici pour un rappel du processus de médiation).
Tout d’abord, c’est humain, mais n’oublions pas que dans un conflit “le problème c’est l’autre” et notre langage accusateur dans ce genre de situation le confirme: “tu as fait ça”, “quand tu dis ça”, “t’es toujours comme ça”... Conscient de cela, mettez-vous dans la peau d’un des deux employés en conflit, à savoir que vous ne supportez plus votre collègue, que tout vous énerve chez cette personne au point que même à la maison vous n’arrivez plus à vous débarrasser de ces pensées négatives. Vous y êtes ? Maintenant, projetez-vous à la séance de médiation avec votre collègue et votre manager dans la pièce. A votre avis, quelle est la probabilité que vous attendiez du manager qu’il prenne votre parti? Et s’il ne le fait pas, ne penseriez-vous pas qu’il prend celui de votre collègue? Bref, dans un cas comme dans l’autre le manager aura le plus grand mal à adopter une posture de neutralité reconnue par les employés, ce qui aura nécessairement un impact sur la crédibilité de la démarche et la capacité à co-construire des solutions.
Ensuite, il sera très compliqué pour le manager d’adopter une posture impartiale car il a des objectifs et des intérêts spécifiques liés à la performance et aux résultats de son équipe. Que risque-t-il de se passer si une des deux personnes en conflit est bien moins performante que l’autre? Le manager saura-t-il faire abstraction de ce paramètre pour accueillir également les émotions de chacun, leurs ressentis, leurs besoins et leurs valeurs ? Et s’il ne le fait pas, comment cette personne peut-elle se sentir écoutée et soutenue dans ce moment qui, rappelons-le, est très difficile à vivre.
Enfin, pas de conflits sans émotions donc pas de gestion de conflit sans gestion des émotions. Les séances de médiation peuvent être éprouvantes pour le médiateur et les médiés. Il n’est pas rare que le ton monte très franchement, tournant même parfois aux comportements violents, et en tant que médiateur la situation peut devenir très difficile à gérer si vous n’y êtes pas préparé. C’est pourquoi il me semble important que dans le cas où un manager est amené à faire médiation, l’entreprise ait auparavant accompagné et formé ce manager à la gestion des émotions. Entendez par là, la gestion des émotions des autres mais aussi la gestion de ses propres émotions, car il est très difficile de ne rien ressentir lorsque deux personnes évoquent leur intimité face à vous. Cela nous ramène à la question de l’impartialité, ne pas se laisser embarquer par des émotions qui nous parle plus que d’autres et qui nous ferait prendre le parti de l’une des personnes en particulier.
Vous l’aurez compris, je pense que le manager n’est pas la bonne personne pour faire médiation dès lors que le conflit est trop important. Néanmoins, je suis convaincu qu’il peut et doit jouer un rôle essentiel dans la gestion des conflits en entreprise par sa position de 1ere ligne avec ses équipes. Un rôle clé serait déjà de savoir détecter et diagnostiquer le conflit pour en limiter les risques, afin d’assurer le bien-être des salariés qui, s’il se dégrade, aura de toute façon un impact négatif sur le bon fonctionnement de l’entreprise.
Et vous, vous en pensez quoi ?